L'ENQUÊTE BRITANNIQUE


Du 02 mai au 03 juillet 1912

Drill Hall du London Scottish Regiment et Caxton Hall à Londres - ANGLETERRE

Présidée par Lord Mersey


La commission d'enquête britannique débute le 2 mai 1912 sous la direction de Lord Mersey. Contrairement à la commission américaine, celle-ci est menée par des gens connaissant la marine. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un procès, le fonctionnement de la commission est similaire, avec avocats et procureur. Lord Mersey et ses assistants cherchent à répondre à 25 questions sur le naufrage, allant de la navigation à l'évacuation des passagers. Le premier jour est consacré à l'exposition de ces questions. Dans les jours qui suivent témoignent un grand nombre de membres d'équipage, marins comme membre du personnel hôtelier, en particulier le veilleur Reginald Lee et le chef boulanger Charles Joughin. L'équipage du Californian témoigne le 14 mai, ainsi que le capitaine du Mount Temple.

Le dixième jour d'enquête marque un nouveau scandale avec l'interrogatoire du veilleur George Symons et de Sir Cosmo Duff Gordon. Tous deux se trouvaient en effet à bord du canot no 1, parti avec 12 personnes à son bord pour 47 places. George Symons est sévèrement malmené par la commission, et traité à plusieurs reprises de lâche pour ne pas être retourné chercher d'autres naufragés. L'apparition de Sir Cosmo Duff Gordon fait également sensation : l'homme et son épouse Lucy ont en effet donné aux sept membres d'équipage de leur canot 25 dollars pour rembourser les biens perdus dans le naufrage. Ceci passe pour une tentative de corruption, et la commission tente de démêler le vrai du faux, déduisant finalement que le couple n'a rien à se reprocher. La réputation du couple est cependant ternie.

Le douzième jour est entièrement consacré au témoignage de Charles Lightoller. Celui-ci fait en effet face à une impressionnante série de plus de 1600 questions sans cesser de défendre la White Star Line. Le lendemain, les trois autres officiers rescapés sont appelés à témoigner. Suivent également le témoignage de plusieurs des témoins de la commission américaine revenus en Angleterre, donc Frederick Fleet et Harold Cottam. Le 4 juin se conclut par le témoignage de Joseph Bruce Ismay qui réussit à convaincre la commission qu'il n'a eu aucune influence sur la vitesse du navire.

En plus des témoins du drame, la commission appelle des experts pour mieux comprendre les causes du désastre. Vient en premier lieu Edward Wilding, architecte naval des chantiers Harland & Wolff (constructeurs du paquebot), qui explique que si le Titanic avait foncé droit dans l'iceberg, seuls ses deux compartiment avant auraient été inondés, et le navire n'aurait, de fait, pas sombré. Avec l'expertise de l'architecte Leonard Peskett, concepteur du Mauretania, il tente de voir si des cloisons étanches dans le sens de la longueur (comme sur le Mauretania), en plus de celles dans le sens de la largeur dont il était équipé, auraient sauvé le Titanic. La réponse est négative : dans des conditions similaires, le navire de la Cunard Line aurait affiché une très importante gîte qui aurait même pu le faire chavirer.

Le 19 juin, la commission appelle un certain nombre de commandants renommés à témoigner. Tous s'accordent à dire qu'ils ont l'habitude de traverser les zones dangereuses à pleine vitesse tant que le temps reste clair, jusqu'à ce que des glaces soient effectivement en vue. La seule voix discordante est celle de Sir Ernest Shackleton : « On n'a pas le droit d'aller à une telle vitesse dans une zone de glaces... Je pense que les risques d'accident sont fortement accrus par la vitesse à laquelle va le navire. »

La commission britannique n'est pas exempte de reproches, et évite de s'attarder sur le rôle joué par le manque de canots, dû au Board of Trade. De même, la White Star Line n'est en aucun cas blâmée pour le naufrage, afin de ne pas pénaliser la marine britannique et laisser le champ libre à l'Allemagne et à la France. Aucune charge n'est finalement retenue contre Joseph Bruce Ismay, qui voit cependant sa réputation définitivement entachée et doit renoncer à son poste. De même, si la vitesse du Titanic est jugée excessive, le commandant Edward John Smith n'est pas rendu coupable du drame, car il s'est conformé aux pratiques de l'époque. Les époux Duff Gordon ne sont pas non plus attaqués, et les commissions concluent que les passagers de troisième classe n'ont pas subi de discrimination.

Si elles ont pu se voir reprocher leur manque d'objectivité et parfois de rigueur, les commissions d'enquête sur le naufrage du Titanic ont donné lieu à de nombreuses directives pour répondre aux différents problèmes relevés, ce qui confère au naufrage son caractère d'événement fondateur dans l'histoire de la sécurité en mer. Les deux commissions font en effet un grand nombre de recommandations. Les navires devront désormais être équipés de canots de sauvetage en nombre suffisant pour tous les passagers, et des exercices d'évacuation devront avoir lieu régulièrement (le manque d'organisation de l'équipage a en effet conduit à ne pas remplir entièrement les canots).

La commission britannique recommande également la formation d'une commission internationale sur la question. C'est chose faite en 1913 avec la Solas. Celle-ci produit la Convention sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, appliquée dès 1914 et remaniée en 1929, 1940, 1960 et 1974. Elle implique notamment que tout navire puisse être évacué en trente minutes maximum.

Jusqu'au naufrage du Titanic, aucun naufrage dû aux glaces n'avait causé de grands nombres de victimes. Les principales craintes des constructeurs étaient les incendies, les tempêtes et les abordages entre navires. Ce n'est qu'avec cette catastrophe que les glaces deviennent véritablement un danger reconnu. Il s'agit dès lors de les repérer et de les éviter. Dès 1912, la marine américaine charge deux de ses navires, le USS Chester (CL-1) et le USS Birmingham (CL-2), de patrouiller pour repérer les icebergs. Peu après, les gardes côtes américains prennent le relais. Le 20 janvier 1914, les États-Unis et 13 autre pays fondent la Patrouille internationale des glaces (IIP), chargée officiellement de la surveillance et du signalement des glaces. À l'exception de la durée des deux Guerres mondiales, l'IIP remplit continuellement son office depuis sa fondation, bénéficiant désormais de l'appui de 17 gouvernements. Depuis sa fondation, aucune vie n'a été perdue à cause des glaces dans les zones surveillées.

Le naufrage du Titanic donne également une leçon sur la façon dont les glaces, et plus généralement tous les obstacles, doivent être abordés. Lorsqu'il a aperçu l'iceberg, le premier officier William Murdoch a en effet ordonné de faire tourner le navire à gauche, ce qui a eu pour conséquence de faire racler la glace sur le flanc du paquebot et de percer plus de compartiments que le maximum toléré par le navire. Dès les enquêtes, les experts s'accordent à dire qu'une collision frontale aurait causé en apparence plus de dégâts, mais aurait permis au Titanic de se maintenir à flot. Cette théorie est rapidement avérée. En 1914, le navire Royal Edward traverse une zone embrumée lorsqu'un iceberg est signalé droit devant. Le commandant, qui déclare par la suite avoir pensé à l'erreur de William Murdoch, donne l'ordre de faire machine arrière pour ralentir le navire, mais ne fait pas changer le cap. La collision endommage fortement l'étrave, mais le navire tient, et ses 800 passagers s'en sortent indemnes.