NAUFRAGE DU TITANIC

Dimanche 14 avril 1912

Atlantique Nord


23 h 40 : Alors que les deux vigies F. Fleet et R. Lee tentent de percer l'obscurité de la nuit, la disparition de leur paire de jumelle leur fait cruellement défaut. Tout à coup, F. Fleet sonne trois fois la cloche et saisit le téléphone en hurlant au sixième officier J. P. Moody : Iceberg, droit devant !
Celui-ci informe le premier officier W. Murdoch, et ce dernier ordonne alors : A tribord, toute !* Stoppez les machines, en arrière toute !
Ensuite il enclenche la fermeture des quinze portes étanches séparant les seizes compartiments du navire.

* A cette époque la marine britannique utilise encore à bord des navires civils et militaites les ordres de manoeuvres employés sur les voiliers, et lorsque l'on veut aller à bâbord (gauche), il faut pousser la barre franche à tribord (droite) située à la poupe (arrière).
C'est pourquoi on indique non pas la direction à prendre, mais de quel côté il faut pousser la barre franche fixée au safran, ou plus tard tourner la barre à roue actionnant le gouvernail d'étambot ou safran.
Pour éviter des accidents malheureux qui ne manquèrent pas d'arriver, ce système controversé est enfin abandonné le 1er janvier 1933 ! Cette décision fit grand bruit à l'époque.

Le Titanic a déjà parcouru 426 mètres, pendant les trentes sept secondes qui lui sont nécessaires pour changer de cap à 21 noeuds et demi. Ce laps de temps semble interminable avant que la proue ne commençe à s'écarter sur bâbord.
Au grand soulagement de tous, l'iceberg qui dépasse le nid de pie d'au moins huit mètres, glisse sur le coté tribord. Et bien que la collision semble évitée de justesse, de grands morceaux de glaces tombent sur le pont juste derrière le gaillard avant.
Suivant la situation de chacun, le choc n'est pas perçu de la même manière. Pour ceux qui se trouvent dans les hauteurs du navire, cela ressemble à une vibration tout au plus, mais pour les moins chanceux entassés dans l'entrepont, le choc est relativement violent. Quand aux mécaniciens situés à l'avant, l'eau s'engouffre immédiatement par les brèches ouvertes dans la coque, et c'est les jambes à leur coup qu'ils doivent s'enfuir pour leur salut.

Quand le capitaine Edward John Smith réveillé par la collision arrive sur la passerelle, on lui rend compte de la situation. Il envoie alors le quatrième officier J. G. Boxhall inspecter les fonds de la proue, et revient un quart d'heure plus tard avec de mauvaises nouvelles.
Thomas Andrews analyse le rapport des avaries, et calcule que le Titanic n'a au plus que deux heures devant lui avant de sombrer. Le réservoir du coqueron avant, les cales N°1, 2, et 3, et la chaufferie N°6 prenent l'eau. Le poids ainsi embarqué va enfoncer la proue si profondément, que les cloisons étanches n'empêcheront pas l'eau de passer par dessus pour inonder les compartiments suivants. Ces cloisons n'étant pas étanches au niveau du plafond, le calcul simple et mathématique ne laisse aucune alternative.

Avec des "SI"...

  • Si la vitesse du navire avait été réduite, la manoeuvre aurait permis de contourner l'iceberg.
  • Si l'iceberg ne s'était pas retourné sur lui même peu de temps avant, sa blancheur naturelle qui vira au gris ne l'aurait pas rendu invisible.
  • Si la nuit avait bénéficié de la lune, sa clarté aurait aidé à voir plus loin.
  • Si il y avait eu de la houle, le clapotis de l'eau à la base de l'iceberg aurait permit de le déceler plutôt.
  • Si les vigies avaient eut des jumelles, ils auraient sans doute aperçus l'iceberg à temps.
  • Si les cloisons étanches avaient monté un pont plus haut, ou si les plafonds des compartiments avaient été complétement étanches, l'eau ne se serait pas déversée dans les compartiments adjacents.
  • Si le choc avait été frontal donc beaucoup plus violent, le navire n'aurait certainement pas sombré.

Lundi 15 avril 1912

Atlantique Nord

0 h 05 : l'ordre est donné par le capitaine Edward John Smith de faire préparer les canots de sauvetage, de rassembler les passagers, et sortir la liste d'affectation pour chaque canot. Tâche assez difficile pour les marins non expérimentés au maniement des bossoirs Welin relativement nouveaux pour l'époque.

0 h 15 : l'ordre est donné d'envoyer le signal de détresse C.Q.D. (Come Quick Danger / Venez Vite Danger) suivit de M.G.Y. l'identité du Titanic. Presque simultanément, les paquebots La Provence, le Mount Temple, l'Ypiranga, et le Carpathia, reçurent l'appel de détresse.
L'opérateur radio du Carpathia, H. T. Cottam, informa le premier officier H. V. Dean qui à sont tour réveilla le Commandant A. Rostron. Rapidement, le Commandant A. Rostron prit toutes les mesures de prévoyances pour accueillir à son bord les rescapés du Titanic, bien qu'il se trouva à 58 miles de ce dernier.

0 h 30 : l'ordre est donné de faire monter les femmes et les enfants sur le pont des embarcations.

0 h 45 : le premier canot, le N°7 quitte le navire. La première fusée de détresse est tirée. Le C.Q.D. est modifié en S.O.S. (Save Our Souls / Sauvez Nos Ames), le tout nouveau signal envoyé.

0 h 55 : les canots N°5 et N°6 quittent le navire. La cinquième fusée est tirée.

1 h 00 : le canot N°3 quitte le navire. La sixième fusée est tirée.

1 h 10 : les canots N°1 et N°8 quittent le navire.

1 h 20 : les canots N°9 et N°10 quittent le navire.

1 h 25 : les canots N°11 et N°12 quittent le navire. L'Olympic demande si le Titanic fait route au sud pour les rejoindre.

1 h 30 : les canots N°14 et N°15 quittent le navire. Le nom du navire est complètement recouvert par la mer.

1 h 35 : les canots N°13 et 16 quittent le navire.

1 h 40 : le canot C quitte le navire. La dernière fusée est lancée. Les passagers se précipitent à tribord pour compenser la gîte importante.

1 h 45 : la salle des machines est inondée. Phillips demande au Carpathia d'arriver aussi vite que possible.

1 h 50 : le canot N°2 quitte le navire.

1 h 55 : le canot N°4 quitte le navire.

2 h 05 : le canot D quitte le navire en dernier. Le capitaine Edward John Smith ordonne aux opérateurs radio de quitter le navire.

2 h 10 : le dernier message radio est transmis.

2 h 15 : les deux canots A (la quille en l'air) et B prennent la mer quand celle-ci les atteint.

2 h 18 : l'éclairage s'éteint.

2 h 20 : le Titanic disparaît de la surface de l'océan emportant avec lui 1496 personnes.

La surface de la mer n'est plus qu'un mélange d'êtres humains à l'agonie, de canots remplis de miraculés, d'épaves flottantes en tout genre, et de bulles provenant de l'épave fraîchement disparue. Des cris et des plaintes par centaines se font entendre, très fort au début, puis de plus en plus faiblement, pour finalement disparaître complètement ensuite.
Le silence qui tourmente maintenant les esprits, est aussi insuportable que le froid mordant qui les engourdis physiquement et mentalement. L'incertitude commençe peu à peu à faire son apparition. La seule "petite chance" dont peuvent bénéficier les rescapés, est une mer étrangement calme.