SS NOMADICWhite Star Line |
Au début du XXe siècle, Cherbourg devient une escale importante pour les paquebots Britanniques et Allemands voyageant entre l'Europe et les États-Unis.
En 1907, la White Star Line y établit une étape régulière sur sa ligne nouvellement créée entre Southampton et New York.
Dès 1909, l'escale de Cherbourg prend une nouvelle dimension et une gare maritime (qui ne sera achevée qu'en 1912) est construite pour accueillir les passagers venus par trains spéciaux depuis la gare Saint-Lazare à Paris.
Malgré des travaux importants, le port pose cependant un problème de taille : les gros paquebots ne peuvent y accoster pour cause d'eau peu profonde.
Ils restent donc en retrait et l'embarquement doit alors se faire par le biais de transbordeurs venant à leur rencontre avec passagers et bagages.
À cet effet, la White Star Line a récupéré en 1907 un vieux ferry, renommé Gallic, qui se charge du transbordement des passagers. Avec l'arrivée de ses prestigieux paquebots de classe Olympic, la compagnie ne peut plus se contenter de cette solution de fortune. Lord Pirrie, directeur des chantiers Harland & Wolff, et son neveu Thomas Andrews imaginent deux nouveaux transbordeurs et soumettent l'idée à Joseph Bruce Ismay, président de la White Star Line. Celui,-ci est convaincu et le 25 Juin 1910, un peu moins d'un an avant le départ inaugural de l'Olympic, la commande n°422 est passée aux chantiers Harland & Wolff pour le transbordeur Nomadic. Le 19 Juillet suit la commande n°423, pour le Traffic. Tandis que le premier sera destiné aux passagers de première et deuxième classe, le second se chargera des passagers de troisième, des bagages et du courrier. Le travail se fait sous la direction de l'architecte Roderick Chilsom et de Thomas Andrews, à un pas accéléré : les deux navires doivent en effet être prêts pour le départ du premier paquebot géant, en Juin 1911. Dirigés par Thomas Andrews, qui imagine les deux bateaux à l'image des nouveaux Olympic et Titanic de la White Star Line, les dessinateurs d'Harland & Wolff dessinent alors les deux transbordeurs comme des paquebots miniatures. Ainsi le Nomadic est pourvu d'une cheminée de couleur chamois ornée d'une manchette noire, comme tous les bateaux de la White Star Line. Ses superstructures sont blanches et il possède quatre ponts qui peuvent accueillir 1 000 personnes. Enfin, sa coque est noire et sa quille rouge. Les installations intérieures sont confortables et soignées, l'idée étant que les passagers ne doivent pas percevoir la traversée à bord du Nomadic et du Traffic comme un simple transbordement, mais plutôt comme le début du voyage. La construction se déroule rapidement. Avec celle du Traffic dans la cale n°2, la quille du Nomadic est posée dans la cale n°1 le 22 décembre 1910 aux chantiers Harland & Wolff. Il est pour la première fois mis à l'eau le 25 avril 1911, sans cérémonie de baptême comme le souhaite la White Star Line qui se veut une compagnie moderne, loin des anciennes traditions marines. Le 16 mai (soit deux jours avant le Traffic) le Nomadic valide ses essais en mer. Une dizaine de jours plus tard, le 27 mai, le Traffic et le Nomadic sont officiellement remis à leurs propriétaires. La mise en état de marche est également rapide puisque les deux transbordeurs sont fin prêts pour accompagner l'Olympic lors de ses essais en mer, qui se déroulent les 29 et 30 Mai 1911. Le 31 Mai 1911, après ses essais en mer, l'Olympic rejoint Liverpool, son port d'attache et siège de la White Star Line, pour se présenter à la foule. C'est en cette même journée que le Titanic est mis à l'eau. Les deux transbordeurs quittent l'Olympic à la sortie du Belfast Lough, au niveau de l'embouchure du Lagan, pour mettre le cap sur Cherbourg. Navigant à une vitesse maximale de 12 nœuds, ils parviennent à destination le 3 Juin 1911. Bien qu'ayant des propriétaires Britanniques et abordant le pavillon de la White Star Line, le port d'enregistrement du Nomadic est celui de Cherbourg et c'est par un équipage Français qu'il est commandé. Celui-ci se compose du Capitaine Boitard, de six officiers, ainsi que de sept hommes affectés aux machines. Le Nomadic est également géré par George A. Lanièce, le représentant de la White Star Line à Cherbourg. Secondé par le Traffic, le Nomadic prends pour la première fois du service lorsque l'Olympic fait à son tour escale à Cherbourg pour son voyage inaugural, le 14 Juin 1911. Le luxueux intérieur du Nomadic est conçu pour transporter les passagers de première et deuxième classe, tandis que le Traffic est utilisé pour les passagers de troisième classe et les bagages. Le premier service de ce dernier laisse cependant à désirer, le chargement et déchargement des passagers n'ayant alors pas trouvé de cadence appréciable. Le Nomadic se montre également malchanceux : le 13 Novembre 1911, il heurte le Philadelphia de l'American Line, qu'il était en train de charger ; la collision endommage légèrement sa proue. Le Titanic entre à son tour en service le 10 avril 1912, et l'architecte Thomas Andrews qui est à bord, note avec joie dans une lettre à sa femme que le ballet des deux transbordeurs est parfaitement réglé. Les immigrants, au nombre de 102, prennent le New York Express, à 9 h 40 du matin depuis la gare Saint-Lazare. Il s'agit d'un train transatlantique spécialement réservé aux passagers des paquebots, il emmène ces derniers jusque devant les quais de la gare maritime de Cherbourg. Son arrivée a lieu à 15 h 40 et les sacs de courrier, de fret ainsi que les bagages qu'ils transportent, sont aussitôt transférés à bord du Traffic. Les immigrants sont à leur tour invités à prendre place à son bord à 17 h, puis le transbordeur quitte aussitôt le quai. Ce soir là, il stationne dans la grande rade de Cherbourg entre 18 h et 18 h 30, jusqu'à ce que le Titanic arrive. Une fois que le Titanic a jeté son ancre dans la rade, le Traffic est le premier à se ranger le long du flanc droit du paquebot, afin que les bagages des passagers de première et seconde classe soient déjà à bord lorsqu'ils débarqueront du Nomadic. Les passagers embarquant depuis la France, parmi lesquels de célèbres milliardaires tels que John Jacob Astor et Benjamin Guggenheim ainsi que Margaret Brown, arrivent à bord du Nomadic. L'opération dure environ 45 minutes, et à 20 h le Nomadic quitte tout juste le Titanic. Quelques jours après le naufrage du Titanic, l'Olympic fait escale à Cherbourg où il est accueilli de manière solennelle. Les drapeaux sont en berne, et les officiers du Nomadic et du Traffic portent des cravates noires en signe de deuil. L'équipage de l'Olympic se met ensuite en grève et refuse de reprendre la mer tant que des canots de sauvetage ne sont pas rajoutés au paquebot. L’immobilisation forcée de ce dernier, paralyse quelque temps les deux transbordeurs dans le port de Cherbourg. La demande de l'équipage est finalement satisfaite et le service reprend. La déclaration de la Première Guerre mondiale vient mettre un terme aux traversées transatlantiques. Le Traffic, ainsi que son frère le Nomadic, sont réquisitionnés le 25 Avril 1917 par l'armée Française et emmenés à Brest jusqu'en 1919, pour servir au transport des troupes Américaines qui débarquent en France. À cette date, Lord Kylsant, le nouveau propriétaire de la compagnie, décide de se séparer des deux transbordeurs. Le Traffic et le Nomadic sont alors cédés à la Société cherbourgeoise de transbordement, et leurs noms restent inchangés. Ils poursuivent leur tâche, mais ne servent plus exclusivement la White Star Line. Leur travail s'élargit désormais à toutes les compagnies qui font escale à Cherbourg. Le 29 Novembre 1931, le Nomadic heurte le Minnewaska, navire qu'avait précédemment heurté le Traffic deux ans plus tôt. Le 30 Juillet 1933, Cherbourg inaugure sa nouvelle gare maritime qui permet désormais aux paquebots de venir jusqu'au quai. Les transbordeurs ne servent plus à rien et l'année d'après, ils changent à nouveau de mains. Il sont vendus à la Société cherbourgeoise de remorquage et de sauvetage qui renomme le Traffic en Ingénieur Reibell, nom de l'ingénieur qui réalisa pendant vingt ans les travaux de la digue de Cherbourg. Le Nomadic lui devient dans le même temps l'Ingénieur Minard, et sa cheminée est repeinte aux couleurs de la société : noire avec une manchette rouge. Malgré le nom de leur nouvelle compagnie, ils continuent à se charger principalement de missions de transbordement. Cependant, il leur arrive à l'occasion d'être utilisés pour remorquer ou porter secours à un navire dans les environs. l'Ingénieur Minard sert alors à évacuer des troupes de France jusqu'au Royaume-Uni en 1939. À partir de 1940, il sert la Royal Navy comme navire de patrouille. Après la guerre, il reprend ses fonctions dans le port de Cherbourg, servant les navires de la Cunard Line, les prestigieux Queen Mary et Queen Elizabeth. Les deux paquebots, à cause de la forte progression du trafic aérien, sont retirés du service en 1967 et 1968, signant de fait la fin de carrière de l'Ingénieur Minard après 57 ans de service. Le transbordeur est ainsi vendu à la compagnie de démolition Somairec, au Havre, la même année. Cependant, cette démolition n'a jamais lieu. Il est alors racheté par Roland Spinnewyn qui s'en sert quelques mois pour son plaisir personnel puis l'amarre sur l'Oise à Conflans-Sainte-Honorine, juste en aval du viaduc ferroviaire de la ligne Argenteuil-Mantes durant environ 4 années, mais sans aucun gardiennage. Laissé ainsi à l'abandon de 1969 à 1974, il sera la proie des vandalistes qui le dépouilleront de tous ses objets d'époque et par conséquent de valeurs. En 1974, le navire est acheté par un particulier, Yvon Vincent, qui le transforme en restaurant sur la Seine et lui rend son nom d'origine. Son activité commerciale commence le 25 juin 1977, et il connaît une longue carrière sous trois noms différents (le Shogun, Le Colonial et Le Transbordeur du Titanic). Il est également utilisé comme local de bureaux et comme salle de réceptions. 25 ans plus tard, le restaurant est fermé : de nouveaux règlements exigeaient que les bateaux de la Seine soient inspectés périodiquement, et cela est impossible pour le Nomadic. En effet, ses superstructures l'empêchent de passer sous les ponts de Paris. Le Nomadic reste alors dans un état d'abandon sur les quais de Seine. Alerté par l'Association Française du Titanic, le ministère de la Culture en France le place en instance de classement aux monuments historiques pendant un an, le temps de trouver un repreneur. L'association médiatise l'affaire dans la presse, sur le web, sur les radios et télévisions françaises : Le tout premier livre est publié Le S/S Nomadic, petit-frère du Titanic (de Fabrice Vanhoutte et Philippe Melia) et des projets sont alors énoncés dont un retour à Cherbourg et son intégration à la Cité de la Mer qui n'aura finalement pas lieu. Un appel aux dons est également lancé par l'association sans but lucratif Belfast Industrial Heritage avec la collaboration de passionnés Britanniques, Irlandais et Belges, pour que le Nomadic retourne dans les chantiers Harland & Wolff pour être restauré et transformé en musée. En 1999 est décidé de faire examiner la coque du Nomadic en cale sèche avant une éventuelle réouverture au public. Le 17 Septembre 2002 le port autonome de Paris débute les travaux de découpage des superstructures du Nomadic afin de lui permettre de passer sous les ponts. Le 1er avril 2003 le Nomadic quitte Paris pour Le Havre et passe en cale sèche entre janvier et février 2004. Le 26 janvier 2006, le Nomadic est acquis aux enchères par le Department of Social Development of Northern Ireland (Northern Ireland Office). Le navire a été acheté 171 320 £ (soit 250 001 €). La municipalité de Belfast a estimé à 7 millions de £ (plus de 10 millions de €) le coût de la restauration du Nomadic. Il est prévu que le Nomadic figure sur le British Historic Ship Register (Registre des navires historiques britanniques). Ceci permettra également l'octroi de subsides permettant sa restauration complète. Le Nomadic a été chargé sur une barge immergeable le 9 juillet 2006 et a quitté Le Havre le 12 juillet 2006 à 7 heures. Il arriva à Belfast le samedi 15 juillet 2006 vers midi. Dès son arrivée, le navire fut débarrassé de la multitude d'algues et de coquillages qui souillaient sa coque. Ces travaux eurent lieu sous une chaleur extrême et un ouvrier chargé du nettoyage succomba à une crise cardiaque. Une célébration discrète, rendant également hommage à la victime, eu lieu le 18 juillet 2006 en présence du ministre Hanson et d'une foule d'invités. Pour ce faire, le Nomadic — toujours placé sur sa barge — fut montré au public au cœur de Belfast. Le navire resta amarré au Queen's Quay durant deux jours. On estime que plus de 8 000 visiteurs firent le déplacement pour voir le dernier vestige de la White Star Line. Le Nomadic fut ensuite transféré dans les installations de Harland and Wolff Technical Services afin d'être déchargé et placé en cale sèche pour inspection. Fin 2009, de mauvaises nouvelles parviennent cependant du chantier qui ne semble pas avancer. Le navire n'est en effet pas traité avec soin, et une vidéo choque particulièrement, montrant des fuites d'eau importantes dans le navire; le gardien a été remercié en octobre. La Nomadic Preservation Society annonce néanmoins une importante célébration du centenaire de ce bateau à Belfast le premier week-end de mai 2011. La restauration du Nomadic prend fin en mai 2013. Il ouvre de nouveau ses portes au public le 1er juin 2013. En avril 2015, le Nomadic Charitable Trust transfère la propriété du navire à Titanic Belfast Ltd. |
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Nomadic 1917-1919 |
Nomadic / Ingénieur Minard 1920-1938 |
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Ingénieur Minard 1946-1969 |
Ingénieur Minard 1969-1974 |
Nomadic 1975-1985 |
Shogun / Colonial Transbordeur du Titanic 1986-1999 |
Nomadic 2000-2009 |
Nomadic 2010-2019 |