AMERIKA / AMERICA / EDMUND B. ALEXANDER

Hamburg America Line (H.A.P.A.G.) - United States Lines


Longueur : ± 203.9 Mètres
Largeur : ± 22.6 Mètres
Tonnage : 22.225 Tonnes
Vitesse : ± 18 Noeuds
Construction : 1904
Lancement : 20 Avril 1905
Voyage inaugural : 11 Octobre 1905
Changement de compagnie : 06 Août 1917
Fin de service : 26 Mai 1949
Raison : Trop vieux
Statut : Démoli le 14 Août 1957
Passagers de 1ère classe : 550
Passagers de 2ème classe : 300
Passagers de 3ème classe : 250
Membres d'équipage : 577


En réponse au succès de la rivale Norddeutscher Lloyd et de son Kaiser Wilhelm der Grosse, l'autre grande compagnie germanique, la Hamburg-Amerika Linie également connue sous le nom de HAPAG, lance son premier superpaquebot, le Deutschland, en 1900. Conçu pour être ultra rapide, il s'adjuge quatre fois le Ruban Bleu dont trois fois dans le sens est-ouest. Cependant la direction de la HAPAG déchante vite, lorsque les moteurs de son nouveau flag ship tournent à plein régime, il accuse d'importantes vibrations qui affectent la majeure partie de ses superstructures, remettant ainsi en question le confort mais également, plus important encore, la sécurité des passagers. Cela entraîne une chute vertigineuse de la cote de popularité du Deutschland dès ses premières années d'exploitation et une perte d'argent considérable au sein de la compagnie. Suite à cet échec, alors que la prépondérance de l'Allemagne sur les lignes de l'Atlantique Nord est à son apogée, Albert Ballin, directeur de la HAPAG, décide d'oublier la vitesse pour privilégier le confort, la sécurité et le luxe lors de la conception d'un nouveau transatlantique.

A cette époque où le grand public se passionne pour la course au Ruban Bleu et où la clientèle désire effectuer la traversée la plus courte possible, ignorer l'atout que représente la vitesse est un pari risqué. Ballin se conforte malgré tout dans l'idée d'attirer le chaland grâce à un luxueux transatlantique au confort très poussé et à la décoration ultra soignée. La construction de ce nouveau bâtiment débute en 1905 aux chantiers Harland & Wolff de Belfast, terrain de la White Star Line. Ballin décide de s'entourer de la meilleure équipe pour concevoir les aménagements du futur paquebot, pour cela il rencontre César Ritz, fondateur et directeur de l'hôtel Ritz-Carlton de Londres et Charles Mewès, architecte français à la réputation confirmée. Ils conviennent alors de recréer à bord la réplique du "Ritz Carlton Grill", restaurant du célèbre hôtel londonnien. L'équipe prévoit aussi d'aménager un restaurant à la carte en plus de la salle à manger des première classe. Cette dernière, soigneusement décorée par Mewès, est principalement habillée de stuc blanc et surplombée d'une imposante statue représentant un aigle aux ailes déployées, symbole repris plus tard comme figure de proue sur l'Imperator. Pour la première fois sur un transatlantique, des ascenseurs électriques doivent être installés et mis à la disposition des passagers. Baptisé Amerika, le lancement du nouveau fleuron de la HAPAG a lieu le 20 avril 1905 lors d'une cérémonie où toute la haute société allemande est conviée.

Avec ses deux cheminées, l'Amerika casse l'image de vitesse et de puissance instaurée par la compagnie rivale, même si ses proportions sont plus importantes que celles du Deutschland, 203 mètres de long pour 22 225 tonneaux de jauge. Il est doté de moteurs à quadruple expansion qui lui permettent d'atteindre à peine plus de 18 noeuds. L'Amerika n'a définitivement pas le profil d'un champion du Ruban Bleu ou d'un concurrent sérieux au dernier né de la Lloyd, le Kronprinzessin Cecilie, qui atteint les 23 noeuds lors de ses premiers essais en mer. Six mois plus tard, le 11 octobre, il appareille d'Hambourg pour New York via Douvres et Cherbourg. Les intérieurs éblouissent les passagers, la décoration sobre, fine et soignée principalement de style Louis XIV étonne et fait contraste avec les lourds ornements des pièces communes démesurément chargées des premiers superpaquebots allemands comme le Kronprinz Wilhelm ou le Kaiser Wilhelm II. Le jardin d'hiver fait sensation et la réplique du "Ritz Carlton Grill" de Londres est un tel succès qu'il faut en agrandir les cuisines. Les cabines de première classe sont réellement confortables et d'éventuelles mauvaises vibrations engendrées par une vitesse excessive ne sont évidemment pas à déplorer. L'Amerika connaît un succès commercial rapide, Albert Ballin remporte son pari et il ne tarde pas à mettre en service un second navire sur le modèle de son flag ship, le Kaiserin Auguste Victoria. En 1907, l'Amerika entre en radoub pour des travaux de transformation, sa jauge est augmentée à 22 624 tonneaux. Mais l'ère de l'Allemagne à la tête du marché de l'Atlantique Nord appartient déjà à un autre temps. En effet, un an plus tôt, la britannique Cunard Line lançait le Lusitania, un mastodonte à quatre cheminées de plus de 30 000 tonneaux.

Le 14 avril 1912, l'Amerika est en haute mer et fait parvenir au Titanic, dernier né de la classe Olympic de la White Star Line, un message indiquant la présence d'un immense iceberg. Nul ne pourra confirmer si il s'agissait ou non de celui qui a provoqué la perte du navire anglais. En octobre l'Amerika envoit accidentellement par le fond le sous-marin britannique HMS B2 au large de Douvres, 15 hommes perdent la vie. Toutefois cet accident n'entache en rien la réputation du navire allemand et de son sister ship avec qui il fait les heures de gloire de la HAPAG en effectuant une carrière prestigieuse jusqu'en 1914. En août cette année là, la carrière de nombreux paquebots prend une tout autre dimension, la Première Guerre Mondiale est déclarée. Le déclenchement des hostilités contraint l'Amerika à l'ancrage à Boston, il y reste jusqu'en 1917. Réquisitionné par l'US Navy suite à l'entrée des Etats-Unis dans le conflit, il est sobrement rebaptisé USS America et transformé en transporteur de troupes. Le 14 juillet 1918, il aborde et coule un autre bâtiment anglais par accident l'Instructor, 16 victimes sont à déplorer. Le 15 octobre, alors qu'il est à l'arrêt à Hoboken pour souter, à cause d'un manque de surveillance de l'équipage, l'America est victime d'une importante voie d'eau et commence à sombrer, 6 personnes disparaîssent. Il est renfloué dans les jours qui suivent puis immobilisé une nouvelle fois jusqu'en janvier 1920. Il reprend alors le transport des Sammies, cette fois ci pour les rapatrier vers les Etats-Unis et peu après, ses machines sont remplacées pour la chauffe au mazout.

Suite au Traité de Versailles qui confisque la plus grande partie de la flotte allemande, l'America passe définitivement sous le pavillon américain tout comme un autre géant de la HAPAG, le bien nommé Leviathan (ex Vaterland). Comme ce dernier, l'America est confié à la compagnie United States Lines qui lui fait subir d'importants travaux de refonte. Sa première classe lui est retirée pour accueillir uniquement les nouvelles classes en vigueur; classe cabine et classe touriste. Il sert sa nouvelle compagnie à partir du 25 juin 1921 où il est affecté à la route New York-Plymouth-Cherbourg-Brême, sans grand succès. L'America est retiré du service en 1931, après 10 laborieuses années de carrière sous le pavillon américain. L'ironie du sort veut qu'il soit amarré à Chesapeake Bay aux côtés de ses anciens rivaux le Kaiser Wilhelm II et le Kronprinzessin Cecilie respectivement rebaptisés USS Agamemnon et USS Mount Vernon suite à leur effort de guerre. Il y reste pendant 9 longues années, à l'immobilisation totale. Quant en 1940, l'Amérique entre dans la Seconde Guerre Mondiale, il est de nouveau réquisitionné par l'US Navy. Après des travaux de restaurations effectués à la hâte, l'America devient l'USAT Edmund B. Alexander pour de nouveau transporter les soldats, cette fois-ci les GI, entre la Nouvelle Orléans et Panama. Lancé 35 ans plus tôt, l'ex navire allemand parvient difficilement à accomplir sa tâche et la nouvelle série de rénovations qu'il subit à Baltimore en 1943 n'y arrange rien. Après un second effort de guerre peu glorieux, l'Edmund B. Alexander est affecté à la route Le Havre-New York pour le rapatriement des soldats jusqu'en 1949. Cette année là, il est de nouveau immobilisé pendant presqu'une décennie et c'est finalement en 1957, soit 52 après sa mise en service, que l'ex Amerika agonisant est vendu à la ferraille à Baltimore.