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Aventures, exotisme relatif, tir à boulets rouges sur "l'étranger", on retrouve tout cela dans le film, dont le tournage seul a constitué l'épisode le plus sensationnel de l'histoire du cinéma nazi.
"16 Avril 1912. Une terreur panique s'empare du monde à la suite du naufrage du géant des mers Titanic, la plus grande catastrophe maritime depuis des dizaines d'années.
Plus de 1500 personnes se noyèrent. Personne ne soupçonne les véritables raisons, tragiques et répugnantes, d'une catastrophe provoquée par légèreté criminelle et esprit de lucre.
Qui soupçonnait alors que spéculation en bourse et agiotage en étaient la cause et qu'une mystérieuse malédiction pesait sur ce bâtiment de luxe ?" ("Der Deutsche Film").
Bref, le film se proposait de relater à sa manière, c'est-à-dire de façon peu favorable à la Grande-Bretagne, la fin du célèbre transatlantique, alors le plus beau fleuron de la marine marchande Britannique, qui coula sur un iceberg lors de sa première traversée sur New York.
Le président de la White Star Line, Sir Bruce ISMAY, est propriétaire du Titanic dont la construction a coûté une fortune.
Pour éviter la faillite, et mieux encore, s'assurer de confortables bénéfices, il décide le capitaine du paquebot à essayer de décrocher le "Ruban bleu", en ralliant../../geographie/_cartes_new_york.html">New York le plus rapidement possible par l'Atlantique Nord que les banquises rendent particulièrement dangereux.
A bord sont présents quelques échantillons de la "gentry" : la maîtresse de Bruce ISMAY, Lord et Lady ASTOR,
hostiles aux desseins du président, un Lord ruiné qui essaie d'extorquer de l'argent à Lord ASTOR par l'intermédiaire de sa femme, et Sigrid, une jeune Danoise que l'on dit à tort immensément riche.
A leur côté, un couple d'émigrants et un savant Allemand Theodore LOOS.
Le Titanic heurte un iceberg et commence à couler. La panique règne. Le président ne songe qu'à sauver sa peau.
Le premier officier, l'Allemand PETERSEN, qui depuis le départ, a tenté de respecter les consignes de sécurité, lui sauve la vie.
Les deux hommes comparaissent devant une commission d'enquête. Bruce ISMAY est relaxé, PETERSEN sanctionné.
Mais c'est le capitaine du navire, disparu avec son bâtiment, qui est jugé responsable du naufrage.
En une violente diatribe qui termine le film, le seul être lucide de cette tragique équipée, l'héroïque et généreux Allemand PETERSEN, dénonce les vrais coupables.
Le scénario parle de lui-même. "Film" (Juin 1965), souligne la présentation caricaturale de la "perfide Albion" :
"Ernst Fritz FÜRBRINGER en président nasillard et gesticulant, Franz SCHAFHEITLIN en homme d'affaires au regard bêtement arrogant derrière son monocle, Otto WERNICKE en capitaine à la dévotion rampante et sans scrupules."
La réalisation - ce qui suit explique en partie pourquoi - ne semble pas avoir été des plus remarquables :
"du théatre mal filmé" ("Film"), "un film incohérent" ("Hull", p. 231).
L'énormité des moyens investis (intérieurs construits à Berlin, extérieurs tournés sur un vrai navire dans le port Polonais de Gdynia, où stationnait une partie de la flotte nazie), n'a pas suffi, comme souvent à compenser d'autres insuffisances.
Seuls, le naufrage et en particulier la foule des passagers se précipitant vers les canots de sauvetage paraissent dignes d'intérêt.
Le metteur en scène Anglais Roy BAKER les incorpora d'ailleurs en 1958 à son film "A Night To Remember (Atlantique, Lattitude 41°).
Mais "Hull" a beaucoup apprécié Sybille SCHMITZ et "son étrange perruque noire de vamp" (p. 232) dans son rôle de la mystérieuse Sigrid :
"Son apparition sur le grand escalier est peut-être la plus grande apparition de tout le cinéma (...) et il faut voir la scène pour le croire" (1961).
Reste l'affaire Herbert SELPIN.
TITANIC était un projet personnel de GOEBBELS et l'on peut se demander pourquoi, après avoir voulu le confier à Wolfgang LIEBENEINER, il charga de ce film de commande officiel l'un des réalisateurs qu'il haïssait particulièrement.
Peut-être parce que le personnage de PETERSEN n'était pas sans rapports avec les héros incarnés par Hans ALBERS dans les cinq films tournés par Herbert SELPIN entre 1938 et 1941
(Sergeant Berry, Wasser Für Canitoga, Ein Mann Auf Abwegen, Trenck Der Pandur, et Carl Peters).
Peut-être aussi parce que le ministre avait une idée derrière la tête.
A son arrivée à Gdynia, Herbert SELPIN se révèla fort mécontent du travail du scénariste, son ami Walter ZERLETT-OLFENIUS.
Il le lui dit violemment un soir en présence d'officiers de marine de la garnison.
ZERLETT, eu égard à ces tiers, invita Herbert SELPIN à se moderer.
Mais celui-ci explosa : "Ah, toi, avec tes soldats de merde, espèce de lieutenant de merde avec ton ami de merde !".
ZERLETT écrivit dès le lendemain à la Tobis et en fit un double compte rendu, oralement à son ami intime le général d'armée S.S. ("Obergruppenführer") HINKEL et par écrit au bureau central de la sûreté nationale ("Reichssicherheitshauptamt").
Finalement, Herbert SELPIN fut convoqué chez GOEBBELS en présence de l'intendant du cinéma HIPPLER, de Wolfgang LIEBENEINER et deux agents de la gestapo.
Comme le réalisateur refusait de se rétracter, GOEBBELS le fit incarcérer sur le champ.
Le lendemain, 31 Juillet 1942, on le retrouva mort dans sa cellule, pendu avec ses bretelles. Suicide ou assassinat ?
"Film" précise que le cou de la victime présentait des marques de strangulation.
Immédiatement, et à trois reprises (31 Juillet, 3 et 8 Août), le ministère à la propagande fit savoir dans son bulletin d'informations ("Kulturpolitische Informationen") que toute mention d'Herbert SELPIN ou de sa mort était désormais interdite.
Le 7 Août, le "Film-Kurier" publiait le communiqué suivant de l'intendant du cinéma : "Le réalisateur Herbert SELPIN, par ses ignobles injures et propos calomnieux à l'adresse des soldats et officiers Allemands du front, a gravement porté atteinte au moral de l'armée.
Il a donc été arrêté afin d'être traduit en justice. La conduite de Herbert SELPIN a été d'autant plus méprisable qu'il n'a pris part ni à la Grande Guerre, ni à cette guerre, mais qu'il avait par contre d'importantes obligations à remplir dans le cinéma Allemand.
Dans la nuit du 1er Août, pendant sa détention préventive, Herbert SELPIN a mis fin à ses jours par pendaison". Werner KLINGLER fut chargé de terminer le film.
Le 30 Avril 1943, bien que "recommandé pour sa valeur politique et artistique", TITANIC, dont GOEBBELS jugeait les scènes de panique peu propres à soutenir le moral d'un pays alors bombardé quotidiennement, fut interdit pour l'Allemagne et autorisé seulement pour l'étranger.
La première eut lieu à Paris, le 10 Novembre, "dans une version postsynchronisée qui avait permis de renforcer son caractère anti-britannique" ("Jeanne et Ford", p. 433).
C'est seulement en Décembre 1949 qu'il fut autorisé en Allemagne de l'Ouest, avant d'être à nouveau et définitivement interdit, le 29 Mars 1950, à la suite des protestations du gouvernement Britannique.
Au même moment, il fut autorisé en République Démocratique Allemande et pris en distribution par Sovexportfilm.
Métrage :
2467 m lors de l'interdiction par la commission de censure le 30-04-1943.
Premières :
Le 10-11-1943 à Paris.
Le 07-02-1950 à Stuttgart.
Le 07-04-1950 à Berlin-Est.
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